Coup de gueule à Saint-Estèphe !
Parce que le vin est un partage, parce que le vin est une rencontre, parce que le vin est un plaisir, parce que Saint-Estèphe n’est plus tout ça…ou presque !
Week-end du 14 juillet sur la fameuse rive gauche de l’estuaire de la Gironde, et plus précisément à Saint-Estèphe. Je pensais donc naïvement que période touristique et appellation de renommée internationale seraient synonyme d’ambiance joviale et animée…et bien NON ! Je dirais même que j’ai rarement vu un village français aussi mort. Vous arrivez sur la place principale sans vous en rendre compte et en vous demandant si vous ne vous êtes pas trompé de village ! Soit les domaines sont fermés, soit les visites sont sur rendez-vous (5 à 10€) ou quelques rares sont gratuites. J’ai donc testé la visite du Chateau Le Crock.
Gratuite, vous êtes accueillis par une étudiante dynamique. Cependant, ses connaissances sont confuses et la visite expédiée. Ça sent l’usine à touristes ! Ainsi, au lieu de prendre quelqu’un de mieux formé, avec une réelle présentation et un savoir plus solide, ce Chateau Le Crock se contente d’embaucher un job d’été qui nuit clairement à l’image du domaine. Rajoutez à cela deux vins très moyens, et vous repartez frustrés !
Il est vrai que la forte proportion de Cabernet Sauvignon sur cette rive gauche est propice à des vins de garde, mais il faudrait qu’il soit prometteur jeune… Or La Croix Saint-Estèphe 2011 (le second vin sur des parcelles de 15 ans maximum) est très végétal, à l’astringence dérangeante, sans fruits particuliers qui laisseraient présager un bel avenir. Ce 65% de Cabernet Sauvignon ne restera pas un excellent souvenir… Quant au Château Le Crock 2008 (premier vin), 49% de Cabernet Sauvignon et 34% de Merlot, n’est pas plus apte à boire maintenant que son collègue, avec une attaque franche mais retombe très rapidement. Je pars sans regrets, ou plutôt avec amertume…
C’est alors que je tombe sur le Château Marceline de Marc DRUESNE. Niché à quelques pas du centre du village de Saint-Estèphe, il vous accueille simplement dans son chai. Petit producteur de 44 ares (3600 bouteilles), il souhaite justement redonner vie au village. Le problème, comme il l’explique, étant que beaucoup de domaines sont des héritages ou des investisseurs étrangers moins concernés et sans réelle passion…ah si: financière ! Et pour cause, 1 hectare à Saint-Estèphe coûte entre 450 000 € et 900 000 €, et de 1,4 millions à 1,8 millions € à Pauillac !!! Pourquoi ? Un exemple simple: lorsque Bouygues est arrivé à Saint-Estèphe, il a racheté plusieurs hectares à 900 000 €, ainsi, les petits producteurs de la coopérative lui ont demandé de racheter au même prix. Et quand ce n’est pas Bouygues, c’est Foncia ou un investisseur chinois. Et Saint-Estèphe devient un village de spéculation…Heureusement certains, comme Marc DUESNE ou Joël PRADEAU (dont je parlerai après), essayent de donner une autre image de cette appellation prestigieuse. Mon seul bémol est de ne pas avoir apprécié le vin de Marc DUESNE: un 2011 (60% Cabernet Sauvignon / 40% Merlot) encore trop fermé…Mais l’étiquette vaut le détour et l’explication: sa femme s’appelle Céline ainsi, avec Marc, cela forme Marceline. Auquel il faut rajouter le dieu de la Guerre, Mars, pour rappeler le début du nom…Bravo pour l’initiative et merci pour les explications !
Je finirai par ce Joël PRADEAU. J’ai goûté son 2011 à la Maison des Vins de Pauillac. Petite production de 3000 bouteilles depuis 2004, il produit son vin en supplément de son métier de…chauffeur de bus scolaire !!! Et s’il conduit son bus aussi bien qu’il fait son vin, alors les élèves sont entre de bonnes mains. La robe d’un grenat dense précède un nez intense de fruits noirs et une bouche ronde et suave. A 11€, c’est une valeur sûre et une éclaircie au milieu de ce coup de gueule stéphanois…