Papaaaa, c’est quoi ces vignes à Paris ? Papaaaaaaaaaaaa, c’est vrai qu’il y a du vin à Paris ? Dis papa, pourquoi tu as épousé maman ?

Papa: « Tu vois, mon fils, il fut un temps, à Paris, où l’on ne trouvait pas du vin seulement dans les bars à vin. Au XIIIe siècle, le vignoble francilien était l’un des plus grands d’Europe et au XVIIIe, on recense 44 000 ha de vignes dans l’actuelle Ile-de-France, soit les vignobles de Bourgogne et d’Alsace réunis ».

Fiston: « Mais il en reste encore ? J’en ai vu dans le parc de Bercy !« 

Papa: « Oui il en reste, environ 14 hectares. D’ailleurs, Bercy était au XIXe siècle le plus grand centre mondial de négoce de vin et spiritueux ! »

Fiston: « Papa, arrête de boire ! »

Papa: « C’est pas encore l’heure ! Et pour te convaincre, balade toi autour du parc et tu verras qu’il y a la rue de Pommard, la place des Vins de France ou encore le métro Saint-Emilion ! Et aujourd’hui, la Mairie de Paris entretient de nombreuses vignes dîtes « patrimoniales », afin de rappeler ce passé et conserver une partie de ce patrimoine ».

Fiston: « Papa, tu m’inquiètes vraiment ! »

Papa: « Si c’est comme ça, prends ta veste, on y va ! »

Papa: « Nous voici devant les plus célèbres vignes de Paris: le Clos Montmartre. Ici aussi il y a une vieille tradition vinicole. D’ailleurs, le quartier de la Goutte d’Or, non loin de là, vient de la couleur du vin blanc qui y était produit. Depuis 1933, la célèbre fête des vendanges est organisée chaque deuxième week-end d’octobre, avec vente aux enchères du millésime ! »

Fiston: « Hormis aux enchères, on peut l’acheter ? »

Papa: « Ça me préoccupe que tu demandes ça à ton âge mais la réponse est non. Seuls les vignerons professionnels à vocation commercial ont droit de vendre. Et aujourd’hui, il y en a qu’un seul dans toute l’Ile-de-France commercialisable. Mais on verra ça demain ».

Papa: « Ici, c’est un petit coin bien caché: la Butte Bergeyre, juste à côte des fameuses Buttes-Chaumont. Petit plant de vigne planté en 1995, rue des chaufourniers, dans ce quartier absolument magnifique. Les habitants en sont fiers et ont même créé un site internet pour valoriser et préserver cet îlot: http: //www.habitants-bergeyre.fr/fr.

Fiston: « Il est fort mon papounet ! »

Papa: « Mais non, mais non… »

Papa: « Une autre vigne se cache dans l’un des plus beaux parcs de Paris: celui de Belleville. C’est ici qu’on produisait la « Piquette » !

Fiston: « beurk !!! C’est dégueulasse ! »

Papa: « Mais non, à l’époque (XVe-XVIe s.), cela signifiait un vin jeune, léger et effervescent. Mais les goûts ayant changés, le sens également ! Aujourd’hui le clos des Envierges produit un rosé « oeil de Perdrix », majoritairement à base de Pinot Meunier. »

Fiston: « Mais si on ne peut pas l’acheter, ce ne sont pas les employés des espaces verts qui boivent tout ? »

Papa: « Ils ne m’ont pas semblé l’air alcooliques En fait, la mairie garde la production pour le maire…pardon, pour les organisations ponctuelles comme la fête des jardins à Belleville, le dernier week-end de septembre. A ce moment, tout le monde peut déguster ! Et puis les locaux sont fiers que leur quartier produise du vin…« 

Papa: « On finira la balade par le Clos des Morillons dans le parc Georges Brassens, ancien terrain viticole et lieu des abattoirs de Vaugirard. Ce spacieux parc comprend également un rucher pédagogique pour sensibiliser les enfants à l’importance des abeilles. Et on pourrait continuer. »

Fiston: « Pourquoi, il y a d’autres vignes ? »

Papa: « Oh que oui ! A Paris-Bagatelle, vignes privatisées par Xavier Privat-Charvin, La Défense ou encore dans le Jardin des Plantes. Sans compter les pieds de vignes de particuliers…parfois aux cépages interdits ».

Fiston: « Mais pourquoi il n’y a plus autant de vignes qu’avant ? »

Papa: « C’est une bonne question ! Il y a 3 raisons principales. La première est le ravage causé en Europe par un insecte destructeur, le phylloxéra, dans la deuxième moitié du XIXe siècle. La deuxième est bien sûr l’urbanisation galopante de la capitale: 500 000 habitants en 1800, 2 900 000 en 1914 ! Enfin, il y a la combinaison de deux facteurs: baisse de la qualité des vins franciliens, afin de favoriser la quantité (tels que les cépages baco, isabelle ou noah) et arrivée du chemin de fer, qui a permis le transport de vins d’autres régions, plus qualitatifs, pour des prix compétitifs (contrairement au précédent transport fluvial). »

Fiston: « Je me coucherai moins bête ce soir ! »

Papa: « Et demain, on va traverser le périph’, pour voir: l’Ile-de-France, à la rencontre de vignerons et employés des espaces verts ! En attendant, voici une carte éditée en 2005, recensant les vignes de la région ! »

Fiston: « Désolé papa, je ne dirai plus que tu es fou… »

Papa: « En fin de compte, tu n’as pas vraiment tort: j’ai bien épousé ta mère ! »