Si vous êtes amateur de vin, un article sur le carménère du Chili ne vous apprendra rien de nouveau. Et si je vous dis qu’il vient du Pays Basque !?!
Tout commence lorsque des pèlerins du Moyen-Âge, sur la route de Saint-Jacques-de-Compostelle, ramènent à Bordeaux un cépage du Pays Basque espagnol, tel que le décrit Guy Lavignac dans son livre Cépages du Sud-Ouest, 2000 ans d’histoire. Son nom: Grande Vidure. Il fait alors les beaux jours du vignoble bordelais avec ses amis Cabernet Sauvignon et Merlot. C’est alors qu’un aristocrate chilien, Don Silvestre Ochagavia Echazarreta (le monsieur de gauche), vient en Europe pour étudier le vin. Après plusieurs années, il retourne au Chili, mais pas seulement avec des connaissances, mais également des pieds de vignes: Merlot, Cabernet Sauvignon, Pinot Noir, Chardonnay, et … Grande Vidure. Il fonde sa cave en 1851, Ochagavia Wines, que l’on peut toujours visiter aujourd’hui, notamment pour déguster.
Pendant ce temps-là en Europe, c’est pas la joie ! Un petit insecte au doux nom de « phylloxéra » ravage tout sur son passage. Que fait-il ? Le blog le tire-bouchon l’explique très bien: « il absorbe la sève des racines du cep de vigne en les piquant à l’aide d’un suçoir. La mort du cep intervient au bout de trois ans. » Résultat: en 1910, la presque totalité du vignoble européen est détruit, dont celui de Bordeaux. Par la suite, il est faiblement replanté car il demande plus de travail, moins de rendement et sensible à la coulure… La Grande Vidure est morte…ou presque !
Petit bond jusque dans les années 1980. Le Chili commence à sortir des vins de bonne facture, notamment avec le Cabernet Sauvignon. Quant au Merlot, certains le trouvent trop herbacé et plus épicé que le Merlot européen. Toutefois, cela suffit pour attirer des européens en quête de nouveauté. Ainsi en 1991, Claude Valat (professeur œnologue de l’université de Montpellier) se baladant tranquillement dans le domaine Carmen (vallée du Maipo), remarque que certains pieds de Merlot sont différents des autres (grains, feuilles, pied, …). Il émet ses doutes à l’œnologue de Carmen quant au fait que ses pieds soient vraiment ceux d’une plante de Merlot. Trois ans plus tard et analyses ADN à l’appui, l’ampélographe Jean-Michel Boursiquot (le monsieur du dessous ce coup-ci) le confirme: il s’agit du Carménère, ou Grande Vidure. Que Bacchus soit béni !!!
Les meilleurs domaines s’empressent de séparer les deux cépages pour produire fièrement du 100% Carménère. Le travail est encore loin d’être fini, car de nombreux domaines ne font toujours pas la différence entre les deux et continuent de vendre du « Merlot » bien vert. Toutefois, l’Argentine a « son » malbec, l’Afrique du Sud « son » chenin, l’Uruguay « son » tannat, … et le Chili « son » carménère. Cela paraît bien légitime ! Mais au fait, ça donne quoi comme vin ? Et bien, j’ai trouvé ce dessin assez juste sur ce blog pour décrire mon dernier 100% Carménére. Il s’agissait d’un millésime 2010 de chez Valdivieso. Et la première chose qui m’a frappé au nez: le poivron vert. Indiscutable ! Suivent effectivement le chocolat, la café, la réglisse et beaucoup de fruits noirs (mûre). En bouche, un vrai festival de saveur avec beaucoup de velouté et une faible acidité. Un seul bémol: un millésime à boire maintenant. Alors pour ce qui est du débat actuel de savoir s’il est un cépage d’assemblage ou s’il a les épaules pour un mono-cépage, goûtez et vous vous ferez votre propre opinion !