En ce temps bien cru, qui l’eut cru que 3 petites lettres fassent rêver le monde du vin ? Voici donc un article cru 2015 pour faire croître vos connaissances, sans que cet article vous paraisse cru 😉
900 ans avant que la France gagne la Coupe du Monde de football (à chacun ses repères 😉 ), en 1098 donc, un certain Robert de Molesme fonde l’ordre des Cisterciens, avec la construction de l’abbaye de Cîteaux. « Et alors » me direz-vous ? Sachez tout de même que cette abbaye se trouve aujourd’hui à Saint-Nicolas-les-Cîteaux, petit village à une dizaine de kilomètres de Nuits-Saint-Georges ou encore de la Romanée Conti… Ah ! Ça vous intéresse plus tout d’un coup !!! Ici, pas de temps pour la rigolade: « ora et labora » (prie et travaille), tel est leur devise. Une rigueur qu’ils appliquent dans tous leurs domaines, notamment celui du vin avec la naissance du Cru.
Participe passé du verbe croître, il nous vient tout droit du latin « crescere ». « Creu » a ses débuts, le « -e » fut supprimé et remplacé par un accent circonflexe. Car « cru » est en réalité le participe passé de « croire », alors que « crû » celui de « croître ». Bon à savoir pour le Trivial Pursuit 😉 . Les moines définirent donc des parcelles de terre, reconnaissables par leurs caractéristiques propres, millésime après millésime, et créèrent une carte des crus de Bourgogne…toujours utilisé aujourd’hui. Et certaines parcelles montrèrent des spécificités tant atypiques (nature du sol et conditions climatiques), qu’elles donnèrent naissance aux fameux Climats (type Montrachet), qui furent emmurer et appeler Clos (participe passé de « clore »), comme le Clos Vougeot en 1330.
La propagation des ordres religieux, notamment des Cisterciens, a favorisé l’expansion de ce mot pas si cru… Mais attention, le cru de Bourgogne ne correspond pas au même cru ailleurs. Ainsi en Champagne, il se réfère à une échelle des crus créée en 1911 correspondant à la qualité du raisin. Un village coté à 100% a le titre de grand cru. La classification a donc surtout une incidence sur le prix du raisin, plus que sur la qualité du champagne.
Enfin sur la rive gauche de Bordeaux, la classification de 1855 du Premier au Cinquième Cru, est une classification du château et non du vignoble. Ainsi, un vignoble acheté par un château Premier Cru 1855 sera classé également Premier Cru. D’ailleurs, cela soulève souvent débat, car 160 ans après, les propriétaires ont changé, des parcelles revendues ou morcelées. Aujourd’hui, moins de 5 % des propriétaires actuels sont des descendants de ceux de 1855.
Bref, cloîtrés dans leur clos, les moines crurent en la vigne pour faire croître des crus qu’on ne peut recracher 😉
Article très instructif… Et quelle belle date que 1098 😉
Merci. Et c’est vrai qu’en ces temps-là, les moine savaient y faire !!!
Cher confrere,
Je serais curieux d’avoir vos sources sur 1855 et les parcelles… je ne suis pas certain de bien comprendre ce que vous dites. Pouvez vous preciser votre pensee s’il vous plait…, des details manquent. Cordialement
Bonsoir Olivier,
Sur 1855, il s’agit d’une classification des courtiers, qui en ressortant leurs carnets, ont fait une moyenne des prix des vins vendus. Les plus élevés ont été classés Premier Cru, Deuxième Cru, … Le débat est de savoir si ce classement est encore viable, avec les changements de propriétaires notamment. Par exemple, les millésimes de Chateau Margaux du début des années 1970 sont désastreux alors qu’il appartenait à la famille Ginestret. Puis les millésimes de la même fin de décennie sont merveilleux, notamment 1978, avec un changement de propriétaire (famille Mentzelopoulos). Un Lynch-Bages (5e cru) se vend plus cher que des 3e ou 4e cru.
Quant aux parcelles, elles ont pu bouger. Chateau Lascombes, 2e cru classé en 1855 avec 27ha, en fait 84 aujourd’hui, sans pour autant avoir subi de modification dans le classement.
Comme c’est un débat récurrent, je voulais y faire allusion justement pour voir plusieurs opinions. J’espère avoir éclairci vos doutes sur mon article.
Cordialement.