Isabelle, jacquez, herbemont, clinton, noah et othello sont les 6 maudits. Ces 6 cépages interdits qui n’ont plus de droits. Résistance et surproduction ont causé leur perte…
Lorsque Emile Cassez, ministre de l’Agriculture, propose de supprimer certains cépages en 1934, « 90% des députés n’avaient jamais entendu parler de ces cépages » d’après le passionné de vin Freddy Couderc. D’autant que le vote se déroule le 24 décembre, soit la veille de Noël. Autant dire que les députés étaient pressés de partir… L’Isabelle est donc choisi en premier, puis viennent tous les croisements issus de vignes américaines: noah, othello et clinton. Ce choix confirme ainsi la pensée de M. Couderc dans l’émission Terre à Terre: la pression des entreprises de produits chimiques est réelle car l’aramon, par exemple, produit énormément mais a besoin de beaucoup de traitements…chimiques, et n’a pas été interdit. Et pour appuyer leurs décisions, les députés affirment que les vins issus de ces cépages rendent « fous et aveugles ». Leur production de méthanol serait trop élevé. Légende, rumeur, ou vérité, quoiqu’il en soit, ils sont interdits !
Mais si vous comptez bien, il en manque deux: le jacquez et l’herbemont. D’après , il s’agirait d’un calcul politique. Edouard Daladier, l’ancien et futur Président du Conseil, se trouve dans l’opposition. La majorité vote alors l’interdiction du jacquez, cépage omniprésent dans le Vaucluse…département de Daladier. De même pour l’herbemont, cépage important de l’Aude, département d’Albert Sarrault, lui aussi ancien et futur Président du Conseil. Parmi les 6 cépages, 2 sont donc bannis pour…embêter l’opposition !!! Donc les français doivent déclarer, volontairement, leur production et les arracher. On estime à plus de 3 millions d’hectolitres la production de cépages interdits (soit 60 000 hectares) en 1934, puis 2 millions en 1938 et 220 000 en 1945. Donc les politiques se félicitent de leur réussite et de la bonne foi des français…jusqu’au choc de 1953. Un cadastre est organisé. Résultat: plus de 60 000 hectares de cépages interdits sont recensés. Rien n’a été arraché depuis 1934 !!! En fait, outre la production personnelle, ces vins étaient vendus au marché noir pendant l’Occupation car, en cette période de restriction, l’essentiel était de boire et manger.
Mais tout bascule dans les années 1960 comme l’explique Pierre Galet, dans cette même émission de décembre 2012. Un ministre des Finances, un certain Valéry Giscard d’Estaing, incite à l’arrachement avec une prime de 150 000 francs. Mais une lettre de son Inspecteur des Finances met le feu au poudre. Il explique que les agriculteurs s’exposent à des sanctions, que ces cépages produisent du mauvais vin et sont des « reliques du passé ». Les religieux catholiques s’insurgent contre cette lettre, pensent à une attaque du gouvernement contre l’Eglise et refusent d’arracher. Mais pire encore, ils brûlent la voiture du sénateur de Vendée et le séquestrent. Une vraie révolte de Chouans ! Un coup de téléphone est passé au préfet pour lui affirmer que ce sénateur doit quitter la région s’il veut le revoir vivant ! Pas de mort, il est relâché et ce sénateur finira…sommelier de la Tour d’Argent Finalement Valéry Giscard d’Estaing augmente l’amende à 300 000 francs, et la majorité des cépages interdits est arrachée…ou presque…