Après 2 semaines sur les routes vinicoles du Chili (et un peu argentine), j’en ressors à la fois surpris, heureux et parfois déçu. Explications avec ce premier article d’une série de 5: la vallée de Maipo.
Pour être honnête, cela a été la déception du voyage. Pourquoi ? Commençons par le commencement. Pour être sûr que votre géographie viticole chilienne soit parfaite, non que j’en doute 😉 voici une petite carte pour se repérer. Vous remarquez rapidement que Maipo se situe autour de la capitale, Santiago. Ni une ni deux, je loue une voiture et une petite heure de route après, me voici au cœur de cette région…sauf que c’est dimanche. Et peu de caves sont ouvertes le dimanche, exceptées les grandes telles que Concha y Toro ou Santa Rita. Et là, on ne fait pas une route des vins comme en Europe: ici on réserve, les visites sont calibrées, les horaires fixes et les dégustations basiques…pour la modique somme, au minimum, de 15€ par personne ! Les bus défilent, les groupes repartent avec des caisses entières, les guides ont des formations touristiques mais en connaissent très peu sur le vin. Bref, on est dans un business de masse qui ne me plaît pas. Et la proximité de Santiago en est une raison: les groupes font l’aller-retour en bus dans la journée et dorment le soir à Santiago dans leur hôtel, sans réellement vouloir faire une route des vins. L’autre raison: le Chili est devenu le premier exportateur de vin « Nouveau Monde », derrière les 3 indétrônables France, Italie et Espagne. Le marché local n’existe quasiment pas et certains producteurs exportent jusqu’à 98% de leur production. Le public visé par cet œnotourisme est donc clairement les étrangers. J’ai donc perçu Maipo surtout comme une attraction touristique facile d’accès, qu’une réelle région passionnée par le vin.
Alors j’y suis allé au culot. Je me présente, détaille un peu mon CV vinicole, et…ça fonctionne. Le « guide » me dit clairement que je vais m’ennuyer et m’envoie directement vers une personne plus apte à répondre à mes questions. Merci Ailsa, tu as sauvé ma visite à Santa Rita…car quoiqu’il en soit, des petits détails méritent une visite et une dégustation plus approfondie.
Tranquillement assis proche d’une hacienda, l’histoire raconte que le général O’Higgins, héros de l’indépendance chilienne, s’y est réfugié avec ses 120 soldats, en 1814 après une cuisante défaite. Santa Rita a voulu rendre hommage à cet événement en créant sa ligne de vin la plus populaire: 120. Je commence à me sentir mieux. Passons à la dégustation de la famille Gran Reserva, les Medalla Real.
Petite aparté: la classification Reserva, Gran Reserva, Premium … ont peu de signification officielle. Sachez seulement que hiérarchiquement le Reserva est l’entrée de gamme, avec au minimum 6 mois d’élevage en barrique.
L’avantage avec Santa Rita est leur présence dans 7 régions vinicoles du Chili, et donne donc un large éventail de saveurs. Commençons avec le Sauvignon Blanc 2014 de la vallée de Leyda. Peu habitué avec ce cépages en Amérique du Sud, le manque d’acidité me gêne, mais compensé par un corps plus complexe et un degré d’alcool plus élevé. De même, 20% du vin passe en barrique française, beaucoup plus courant ici qu’en Europe. Des fruits exotiques en pagaille. C’est sympathique…mais pour 12€…pas convaincu. Passons au cousin Chardonnay 2014, toujours de Leyda. Honnêtement, l’équilibre est très bien trouvé entre le côté floral de l’acacia, une malolactique beurrée bien réussie et une touche de barrique pour les arômes vanille-pain grillé. A 12€, je l’achète ! Enfin, le beau-frère Cabernet Sauvignon de 2011, le régional de l’étape (Maipo), m’a déçu avec son côté trop poivron vert et bourgeon de cassis…bref, ça reste un beauf Quant à la deuxième partie de la dégustation, c’est autre chose !
Là, on rentre dans la dégustation prestige, avec les patrons de la maison. Le bras droit se nomme Triple C. Pourquoi ce nom ? 65% Cabernet Franc, 30% Cabernet Sauvignon, 5% de Carménère. CQFD ! Au nez puis en bouche, on change de catégorie: des fruits noirs bien mûrs, du tabac et du chêne français neuf 17 mois. C’est du lourd…trop pour moi, surtout pour 32€. On passe alors au doyen, Carmen Gold. Souvenez-vous dans cet article, c’est en ce lieu que le Carménère fut redécouvert. Mais je goûte un 100% Cabernet Sauvignon, sans hésitation le meilleur du voyage. Situé de le Maipo Alto (la meilleure région de Maipo), j’ai rarement trouvé cet équilibre entre le côté végétal du poivron vert et de la menthe, tout en développant des notes de fruits noirs (prune, myrtille), le tout bien intégré dans un velouté beurré. Certes 90€, mais je n’en bois pas tous les jours ! Enfin, le parrain Casa Real 2011 (90€). C’est avec respect que je goûte le seul vin d’Amérique du Sud qui a été classé parmi les vins de légende par Decanter…pour le millésime 1989. Un classique Cabernet Sauvignon chilien, qui a fait la réputation de cette région: couleur intense, profonde et élégante, entre fruits mûrs, épices douces et tanins soyeux. Mes respects…
Toutefois, mon petit plaisir fût l’excentrique Bougainville: 95% Petite Syrah et 5% Syrah. Question de goût bien évidemment, ces 2 cépages étant mes chouchous. Mais avoir des fruits rouges (fraise, framboise) relevés par la réglisse et le chocolat en bouche, je ne m’en lasse pas, même à 50€. Un GRAND MERCI Ailsa, car grâce à toi, Maipo et Santa Rita resteront de bons souvenirs.
Mais avant de retourner dans l’incroyable Calma de Rita pour dormir, je m’arrête dans la petite cave de William Fèvre. En effet, ce vigneron de Chablis est venu s’installer à San Juan de Pirque (Maipo) pour y produire quelques vins. Mais là encore, déception avec une vendeuse qui n’y connaît absolument rien. A croire que seuls les groupes comptent, et les indépendants qui débarquent sans prévenir peuvent se rhabiller. Curieux de ce que le Pinot Noir et le Chardonnay d’un bourguignon peuvent donner ici, j’en achète une de chaque. Le Pinot Noir ne restera pas dans les annales, mais là encore, c’est une question de goût, sachant que ce cépage ne m’attire pas trop. Mais si vous cherchez un vin fruité (fraise, cerise, framboise), simple, peu tannique et jeune, il est fait pour vous (12€). En revanche, si j’avais su que le Chardonnay serait aussi expressif entre les agrumes, la minéralité, le zest de citron, le tout enveloppé dans cette particularité beurrée et pain grillé, j’en aurais acheté plus, surtout à 7,5€ !!!
La qualité de certains vins aura sauvé l’impression générale de Maipo, mais ce que je ne sais pas encore, c’est qu’il s’agit de la seule « déception » du voyage. La prochaine fois, on traverse la Cordillère des Andes pour aller voir Mendoza et la Vendimia !